Interview de David Bily, auditeur accrédité auprès de la Fondation GEO
Le Golf Club de Crans-sur-Sierre a accueilli pour la deuxième fois David Bily, auditeur accrédité auprès de la Fondation GEO, afin d’évaluer les démarches de durabilité entreprises par le club. Trois ans après sa première visite, il a pu constater les progrès réalisés, en particulier dans les domaines de la biodiversité, de la gestion des ressources et de l’ouverture à la communauté.
Dans cet entretien mené par Eric Nanchen, David Bily revient sur les initiatives les plus marquantes observées, sur l’évolution de la durabilité dans les clubs de golf suisses, ainsi que sur la perception des joueurs face à ces changements. Il partage également sa vision des défis à venir et du rôle que les clubs peuvent jouer dans la transition vers un golf plus durable, ouvert et responsable.
- Mr. Bily, vous avez audité le Golf Club de Crans-sur-Sierre, une première fois il y a 3 ans. Depuis votre dernière visite, nous avons poursuivi nos efforts pour améliorer la durabilité de notre club. Quelles sont les mesures que vous trouvez particulièrement intéressantes à relever ?
« Les mesures que je trouve les plus intéressantes sont les projets liés à la biodiversité, notamment la conversion des pelouses entretenues en divers types de prairies extensives. Les projets de nichoirs et d'hôtels à insectes sont également captivants, notamment parce qu'ils ont impliqué la collaboration d'élèves qui ont pu découvrir le potentiel de biodiversité des terrains de golf. J'ai également trouvé très intéressante l'étude sur la qualité de l'eau menée par une école locale. Il s'agit d'une excellente opportunité, car ce type d'étude est assez complexe et serait normalement très coûteux s'il était réalisé par un professionnel. Je pense que c'est un excellent début et j'espère que ce n'est que le commencement ! »
- En tant que professionnel de la branche, sentez-vous un intérêt grandissant pour la durabilité de la part des clubs suisses ? Ou notre club est-il un cas isolé avec les démarches qu’il entreprend ?
« Avec environ 60 clubs OnCourse et près de 40 clubs certifiés GEO en Suisse, le Golf Club de Crans-sur-Sierre n'est pas seul. L'engagement réel démontré par chaque club varie, chacun ayant ses propres forces et faiblesses. Cependant, le concept de durabilité est de plus en plus présent dans tous les aspects de notre vie. Je pense que la conscience de son importance pour notre survie sur cette planète est en progression. Ces dernières années, Swiss Golf a également donné un fort élan en informant les clubs sur la durabilité dans le golf et en les encourageant à adhérer à OnCourse avec GEO. La faîtière leur a notamment offert un soutien moral et financier dans ce processus. Ce soutien a contribué de manière significative à l'augmentation du nombre de clubs OnCourse. »
- Et si l’on se place du côté des joueurs, avez-vous le sentiment que leur adhésion aux mesures de durabilité est grandissante ? Au contraire, pensez-vous que nous sommes dans une situation dans laquelle des clubs qui mettent en place des projets irritent les joueurs ?
« D'après ce que j'ai pu constater, je dirais que les golfeurs ont généralement bien accueilli les améliorations apportées au golf dans le domaine de la durabilité. J'ai néanmoins l'impression que les jeunes golfeurs sont souvent plus prompts à y adhérer et plus réceptifs aux mesures nécessaires pour atteindre les objectifs visés. J'ai entendu parler de clubs qui ont du mal à convaincre certains de leurs membres plus âgés, en particulier s'il s'agit d'interventions plus coûteuses. Je peux le comprendre, certains ne verront pas les fruits de ces projets, mais il faut savoir se projeter dans le long terme.
Je ne connais pas de projets particuliers qui aient irrité les joueurs, mais comme pour tout, c'est souvent une question d'ampleur et de rythme du changement. »
- De manière générale, selon vos constatations, les projets en lien avec la durabilité sur les parcours de golf engendrent-ils des contraintes qui péjorent le jeu ? En d’autres termes, la nature se porte-t-elle mieux au détriment de la pratique du golf ?
« Si l'on examine globalement les aspects « nature », « ressources » et « communauté » de la durabilité, je dirais que seuls quelques points pourraient avoir une influence réelle sur le jeu lui-même. Certains projets visant à réduire la superficie de gazon entretenu et à augmenter celle de rough afin de favoriser l'habitat et la biodiversité pourraient potentiellement rendre le parcours plus difficile. Dans ce cas, le club et GEO doivent faire preuve de réalisme quant à l'échelle à adopter pour maintenir un parcours de golf praticable.
La réduction de l'irrigation et des traitements pesticides est certainement un autre point sensible, car elle a évidemment un impact direct sur la qualité des surfaces de jeu, ce qui suscitera certainement des protestations de la part de nombreux joueurs. Pour l'instant, la Suisse n'est pas soumise à une forte pression due à la sécheresse et il n'y a pas encore d'interdiction des pesticides, mais cela peut changer rapidement à l'avenir. Si certains parcours de golf fonctionnent déjà plus ou moins bien sans pesticides ou avec une faible consommation d'eau, il viendra un moment où ce ne sera plus une décision du club, mais une loi fédérale qui interdira les pesticides ou limitera la consommation d'eau pour l'irrigation. Une bonne communication avec les membres est essentielle aujourd'hui et à l'avenir, afin que les membres et les visiteurs puissent accepter les conditions du parcours liées à une gestion durable et sans pesticides.
D'un point de vue communautaire, de nombreux clubs qui accordent de l'importance à leur statut de « club privé » pourraient également être perturbés si le club tentait d'introduire davantage de multifonctionnalité. Personnellement, je pense que les clubs de golf multifonctionnels sont l'avenir, car ils rompent avec l'image d'un sport réservé aux riches et ouvrent leurs portes à la communauté locale. L'image de ce sport changerait et tout le monde pourrait profiter davantage de ces grands espaces verts, souvent proches de zones urbaines. »
Antoine Sierro, biologiste, et Johnattan Ianchello, Golf Club Crans-sur-Sierre, présentent à l’auditeur David Bily notre action de pose de nichoirs le long du parcours.